Histoire
L'art de peindre-écrire...
Calligraphie et peinture sont indissociables en Chine. D'ailleurs, dans la langue chinoise, "écrire" et "peindre" sont un seul et même mot. Un dicton chinois dit aussi que "peindre revient à écrire une image".
La peinture chinoise est donc un poème muet, un art de peindre-écrire né il y a plus de 3000 ans.
Elle procède de techniques particulières, comme le mouvement du pinceau ou l'utilisation de l'encre, bien différentes de la peinture occidentale plus soucieuse des effets d'ombres et de lumière. La peinture classique occidentale tend en effet à représenter le monde et les objets d'un point de vue réaliste.
Bien que la peinture asiatique s'attache également à explorer le monde avec une grande précision, son but n'est pas de figurer fidèlement la réalité mais de permettre au spectateur de percevoir les mouvements que le calligraphe a imprimé à son pinceau.
Grenouille et lotus
A partir de quelques traits d'une grande sobriété, les artistes asiatiques font naître tout un univers doué d'une vie étonnante : montagnes, cascades, oiseaux, effets de brume...
Il s'agit pour l'artiste de représenter les idées essentielles, ainsi que ses émotions, sous une forme condensée. Pour cette raison, l'art de l'illusion et de la suggestion est prédominant.
Montagne et eau
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'espace blanc laissé par le peintre revêt une importance considérable. Cette surface blanche ne relève pas d'une simple économie de papier, mais constitue au contraire la clef de voûte de l'oeuvre. Les espaces blancs prennent vie et créent un effet de profondeur.
Ainsi, la peinture chinoise amène l'artiste à "fusionner" avec son sujet. Cette philosophie, influencée par le Bouddhisme zen, recèle un énorme potentiel ; elle favorise l'expression personnelle dans toute sa plénitude. Le calligraphe, tel un musicien, pose ses notes de couleur sur le papier ; mais l'harmonie n'est pas seulement sur la feuille, elles est dans le geste tout entier.
Pivoines
Du paléolithique à nos jours...
Peinture sur soie de Gu Kaizhi (344-406)
L'art chinois est né à l'époque paléolithique.
Les plus anciennes peintures à l'encre, sur soie, sont retrouvées dans des tombeaux du IIIème s. avant J.C.
Mais après l'invention du papier à l'époque de la dynastie Han (206 av.J.C.-220 ap.J.C.), la calligraphie, la poésie, la peinture et la gravure des sceaux se développent considérablement durant plusieurs siècles.
Zhan Ziqian (dynastie Sui 581-618)
Le plus ancien paysage de style traditionnel conservé au Musée du Palai Impérial à Pékin
La peinture s'attache à la représentation de sujets traditionnels, regroupés en 3 grandes catégories :
-les portraits (Ren Wu)
-les paysages (Shan Shui)
-les fleurs et oiseaux (Hua Niao) qui regroupent en fait toutes les plantes et tous les animaux.
Cette peinture connaît une maturation et un essor incroyables durant la dynastie Tang (618-907).
Elle se développe encore lors de la période des 5 dynasties (907-960), avant d'être à son apogée
sous les deux dynasties Song (960-1271).
Détail d'un trésor de l'art chinois, daté de l'époque Song
814 personnages représentés sur une peinture de 5m28 de long et 24.8 cm de haut
Il faut signaler l'influence de l'empereur Huizong (de son vrai nom Zhao Ji, 1082-1135) sur l'essor de la peinture. Il était le 11ème fils de l'empereur Shenzong mais n'avait aucune chance d'accéder au trône. Il était donc libre de s'adonner à sa passion pour les arts et devint expert en peinture et calligraphie. Le hasard voulut qu'il accède quand-même au trône, ce qui fût une catastrophe pour le pays, mais une bénédiction pour l'Art. En effet, il réorganise l'Académie Impériale des Beaux-Arts, fait venir de grands peintres et savants à la cour et fait installer des artistes dans la capitale.
L'empereur met alors l'accent sur 3 aspects de la peinture : le réalisme basé sur une observation approfondie de la nature, la copie des anciens Maîtres, et l'ajout d'éléments calligraphiques et poétiques aux peintures.
(Anonyme - National Palace Museum, Taipei)
Durant cette dynastie Song apparaît aussi la "peinture des lettrés".
Il s'agit d'une association étroite de la peinture avec la calligraphie et la poésie. Le style, plus expressif, cherche à atteindre profondeur et simplicité à la fois. Il était pratiqué par les lettrés (d'où son nom) et les gens cultivés pour leur propre plaisir, sans préoccupation commerciale.
Petit à petit, la soie est délaissée au profit du papier.
Deux styles majeurs de la peinture chinoise sont donc d'ores et déjà établis : le style libre et spontané des lettrés (Xieyi) et le style ancien, académique (Gongbi) qui s'attache à la précision des représentations et aux détails.
L'artiste qui choisit de peindre dans le style libre des lettrés interprète la nature, plus qu'il ne la reproduit fidèlement ; sa philosophie est de capturer l'esprit et l'émotion du sujet, son "idée". La manière d'appliquer la couleur (la touche) influencée par la calligraphie, donne vie au modèle sur le papier : on peut parler du ballet du pinceau et de l'encre sur le papier.
Ce style de peinture est devenu très vite populaire ; il est la principale forme de peinture libre actuelle.
style des lettrés (Xieyi) - Auteur indéterminé
style académique (Gongbi) - Yu Jigao
Après la période Song, le concept des Trois Excellences (la peinture, la calligraphie et la poésie) se développe sous les dynasties Yuan (1271-1368), Ming (1368-1644) et Qing (1644-1911).
Il sera courant d'y voir parfois un mélange des deux styles, lettré et académique. Ce mélange sera porté à sa plus belle expression au XXème siècle par Qi Baishi :
Qi Baishi, Fleur de lotus et libellule
Les Quatre Gentilhommes
Auteur indéterminé
Quatre plantes sont emblématiques de la peinture chinoise.
On les appelle Les Quatre Princes ou Les Quatre Gentilhommes :
- le chrysanthème
- le bambou
- l'orchidée
- la fleur de prunier
Parfois, le chrysanthème est remplacé par le pin. On les nomme alors Les Quatre Amis.
Mais le trio de tête reste le pin, le bambou et la fleur de prunier, baptisés Les Trois Amis de l'Hiver.
Le bambou, résistant et droit, brave toutes les saisons. Dans sa verticalité, il symbolise la force et la paix.
La fleur de prunier est resistante quoique d'aspect fragile. Elle s'épanouit malgré le gel.
Annonçant le printemps, elle symbolise la persévérance ou le renouveau.
Le chrysanthème fleurit même après le gel. Il se reproduit seul.
Il représente la force morale et la gaieté face à l'adversité.
L'orchidée est pacifique, réservée et raffinée. Elle est signe de pureté et de vertu.
Quant au pin qui reste toujours vert, il symbolise la longévité et la fidélité.